Patrick Widmer
Creative Polyvalent Developer
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Hermann Widmer, Mon Grand-Père Paternel, Un Grand Homme Qui Aura Marqué à Sa Région.

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Autobiographie écrite par mon Grand-pèere

Comme c'est la coutume de parler de la personne qui vient de partir pour l'Orient Céleste et afin de faciliter la tâche du rapporteur, je mentionne ci-après quelques détails d'événements marquants et la plupart réjouissants de ma longue vie.

Je suis né à Bâle le 27 avril 1926 où mes parents venaient de s'établir après leur mariage à Lucerne et la naissance de ma soeur Anna (Annie) le 21 septembre 1924. J'ai passé ma jeunesse dans la ville rhénane ; l'école primaire au Collège Gotthelf et la secondaire au nouveau bâtiment Gottfried Keller.

Après les huit années d'école obligatoire, j'ai fait un stage d'une année en Suisse Romande ; en son temps c'était la mode. Ma soeur avait déjà opté pour cette solution 2 ans plus tôt comme auxiliaire à l'Hôpital du Locle. Il parut donc normal que je me rende pour 12 mois dans cette cité horlogère ; un confiseur renommé du Locle fut choisi et j'y restais pendant 50 semaines comme commissionnaire.

Toutefois, aujourd'hui, je peux affirmer que cette première activité dans ma vie ne m'a rien apporté, même pas de plus amples connaissances de la langue française : le personnel du pâtissier-confiseur venait de la Suisse Alémanique ! donc logiquement, j'ai biffé le nom de la Mère-Commune des montagnes neuchâteloises de mon agenda ! Par la suite j'ai rectifié cette décision hâtive en me rappelant qu'il ne faut jamais dire : « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau ! ».

De retour à Bâle, mes parents m'ont organisé un rendez-vous chez un orienteur professionnel. Ce dernier m'a fait savoir que l'entreprise de construction « Gebriider Stamm » bien connue dans le milieu de la branche cherchait un apprenti pour la formation d'employé de commerce. Je me suis présenté et j'y ai fait mon apprentissage de 3 ans qui prit fin en avril 1945 avec l'examen final où je fus classé avec d'autres collègues au 4eme rang avec la note de 1,4.

Je n'étais pas peu fier de cet exploit car mon nom figurait pour la première fois dans le journal ; on publiait uniquement les candidats ayant obtenu une moyenne jusqu'à 1,5 ou 5érne rang.

Après un total de 5 ans passé chez « Gebriider Stamm » et des cours de français et d'anglais à la SSC (Société Suisse de Commerce) bien organisés à Bâle, je suis parti au printemps 1947 à Genève. Après un examen d'entrée, je fus engagé en avril 1947 à la SGS — Société Générale de Surveillance. J'y ai travaillé pendant 2 ans dans la ville de Calvin et 4 ans dans le lieu de ma jeunesse au bord du Rhin. C'était une occupation fort intéressante avec une clientèle répandue dans le monde entier. Comme j'avais quelques notions de français et d'anglais, j'étais considéré comme trilingue et je touchais une prime mensuelle de Frs. 25,00, soit un salaire de Frs. 425,00 par mois !

Je me suis beaucoup investi dans ce champ d'activité très varié et au mois de juillet 1952, le siège principal à Genève m'a confié la direction du bureau de Bâle.

Je considérais cette promotion comme une étape extraordinaire ; elle fut honorée par un salaire mensuel de Frs. 500,00 plus un supplément de Frs. 50,00, les hommes mariés bénéficiant de ce geste !

Malgré mon séjour à Genève et mes fréquentes absences de Bâle — j'étais souvent en voyage pour le contrôle de marchandises — j'ai maintenu les contacts avec mes copains d'école Felix Stotz et Hans-Peter Hill (nous l'appelions Equus ou Hillos). Nous étions dans la même classe et les mêmes collèges dès 1937. Ces rencontres durant la scolarité se sont transformées par la suite en véritable amitié qui a duré 71 ans (H.-P. Hill est décédé en 2008) et 81 ans (F. Stotz est décédé en 2018).

Equus et Felix ont eu l'idée lumineuse de créer l'agence de voyages HISTOBA à laquelle je me suis associé en 1948. Cette jeune firme fonctionnait également comme agence matrimoniale — Hillos fit connaissance de Nelly lors d'un voyage en Scandinavie — Felix s'occupait de Fides en lui expliquant les curiosités de Paris — et moi, en 1949, je m'efforçais de susciter l'intérêt d'Hélène pour la vie des gens de la Kasbah de la ville d'Alger et de la population de Bou Saada, une ville des hauts plateaux d'Algérie que nous visitions à dos de chameaux.

Lors de ces excursions, nous, les hommes, nous nous sommes improvisés en guides omniscients et avions certainement impressionnés ces trois aimables et charmantes « clientes », donc c'était normal que nous continuions nos captivantes visites collectivement.

Les intérêts mutuels, je dirais la sympathie réciproque, étaient tellement sincères qu'ils se sont tout naturellement transformés en mariages heureux, pour moi en 1950, pour Felix en 1953 et Hillos en 1956. Les 13 mois avant mon union solennelle avec Hélène étaient remplis de visites régulières au Locle ; le proverbe « Fontaine, ... » fut dès lors définitivement classé !

Par le décès inattendu et malheureux de mon beau-frère, le frère d'Hélène - Charles-Henri - j'ai quitté la SGS et je suis entré dans l'entreprise familiale d'Hélène, la Brasserie Leppert, le 19 février 1953, un jour avant la naissance de notre 2eme garçon, Charles-Henri. Hermann jr a vu le jour le 28 juin 1951 et Nicolas le 27 juin 1956.

Les us et coutumes ainsi que les méthodes de travail dans un commerce indépendant m'étaient totalement inconnus. J'ai eu la chance d'avoir pu compter sur l'indulgence et la patience de mes beaux-parents qui se sont donnés beaucoup de peine en me soutenant afin que je puisse me familiariser avec les caprices des bistrotiers avec lesquels j'ai pu cultiver successivement un agréable dialogue.

Bien entendu, mon beau-père est resté le patron de la brasserie jusqu'en décembre 1956. Avec beaucoup de maîtrise il avait organisé sa vie professionnelle, civile et militaire : l'affection d'un organe vital, aujourd'hui guérissable, a eu raison de son existence, trop tôt, dans sa soixantième année.

Heureusement, j'avais pu profiter pendant 4 ans de sa grande expérience pour le choix et la gestion du personnel, pour son savoir-faire lors des négociations avec nos fournisseurs tels que la Brasserie de la Comète, la source d'eau Arkina, le producteur de jus de fruits Weissenburg, les cidreries Utzenstorf de Busswil et Langenthal. Et surtout pour sa prévenance liée à une fermeté diplomatique lors des discussions avec notre fidèle clientèle particulièrement la direction de la COOP du Locle et de La Chaux-de-Fonds ainsi que 28 différents petits commerces ! En n'oubliant évidemment pas les négociations avec les membres de la Société des Cafetiers du Locle et environs.

Par conséquent, je me suis retrouvé à la tête de la Brasserie Leppert dès le l' janvier 1957.

Rapidement je pus me rendre compte que mon beau-père m'avait légué un héritage parfait ; les relations avec la clientèle, qui devenait toujours plus exigeante, se sont fructueusement poursuivies.

Le 1er janvier 1968 fut une date mémorable : pas seulement pour notre famille, mais également pour les nombreux commerces du Locle et des Brenets. La limonaderie « Alfred Keller » au Locle, un concurrent non-négligeable, fut absorbée par la Brasserie Leppert.

Cette fusion fut très bien acceptée par nos clients et personnellement je me trouvais à la tête d'un unique dépôt au Locle qui s'occupait des livraisons des bières de La Comète et Beauregard, des eaux minérales Arkina et Henniez Lithinée, des jus de fruits Weissenburg et Romanel ainsi que de cidreries bien cotées.

La même année, la Brasserie Beauregard eut des problèmes avec leur dépositaire de La Chaux-de-Fonds. La Brasserie Leppert devint ainsi le fournisseur exclusif de la bière Beauregard pour La Chaux-de-Fonds et ses environs (Les Roches-de-Moron et La Maison-Monsieur).

Des événements particuliers se sont succédé et le l' janvier 1975, la Brasserie de la Comète fut rachetée par le groupe SIBRA qui comptait déjà 5 brasseries : Cardinal, Beauregard, Salmen, Wâdenswil et Orbe.

L'uniforme des douaniers correspond à la période 14-18. Le char de la Brasserie Leppert (entreprise du Locle fondée en 1870) est en attente...Sa présence s'explique probablement par la présence en face de la douane d'une glacière naturelle comme il y en avait de nombreuses dans le Jura ! source: Notrehistoire.ch

L'année suivante, en 1976, SIBRA décida de ne brasser plus qu'à 2 endroits : Fribourg et Rheinfelden. Un seul nom fut choisi pour Fribourg : Cardinal. Dès lors, les districts du Locle et de La Chaux-de-Fonds ne connaissaient plus qu'une seule bonne bière : La Cardinal.

L'année 1976 est resté bien ancrée dans ma mémoire : pas seulement du point de vue commercial ; elle signifiait également le début de ma vie politique !

Le PPN (Parti Progressiste National devenu en 1981 le Parti Libéral-Radical), dont j'étais membre depuis une vingtaine d'année, s'est souvenu de moi et m'a sollicité afin d'inscrire mon nom sur leur liste lors de l'élection du futur Conseil Général de la commune du Locle. J'étais quelque peu surpris et flatté que le PPN se soit approché de moi ; j'avais donné mon accord et à ma grande surprise je fus élu.

Finalement j'ai siégé pendant 20 ans au Législatif du Locle et en 1981 j'y étais même le président.

Du simple commissionnaire suisse alémanique de 1941 — 1942, je devenais 40 ans plus tard le 1 citoyen de la Mère-Commune. Ceci est presque digne d'une inscription dans le Guinness Book !

Ce mandat a éveillé mon intérêt à la gestion et au souci du bien-être de la population : je décidai de me présenter lors des élections au Grand Conseil de la République et Canton de Neuchâtel en 1977. Là également je fus élu et j'ai participé aux séances à Neuchâtel pendant 4 législatures, donc jusqu'en 1993.

Bien entendu, mon activité principale restait la direction de la Brasserie Leppert. Mais les affaires devenaient toujours plus difficiles : en plus la convention entre la Société des Cafetiers Suisses et les brasseries, qui garantissait une certaine exclusivité de livraisons aux brasseurs suisses fut supprimées.

J'ai donc décidé en 1982 de vendre l'entreprise familiale — presque centenaire — au groupe SIBRA. Vu les bons contacts que nous avions avec leurs dirigeants, MM. Hayek, Ruegg et Matthey, j'ai pu obtenir le même dédommagement versé en son temps pour l'achat de la limonaderie A. Keller. En plus, je suis entré dans le conseil d'administration de SIBRA comme membre ; j'y ai siégé pendant 10 ans.

Mon occupation active se terminait donc en cette année 1982 ; mais après quelques mois de repos, mon collègue franc-maçon Eric Zutter m'a approché pour la tenue des comptes de ses usines « Manufacture de Montres Nationale » et « Comelec SA ». Comme j'avais de bonnes relations avec les banques, notamment la SBS et la Banque Populaire, j'ai pu négocier des substantiels crédits pour le développement de ses entreprises et plus tard pour la création d'INCABLOC.

En signe de reconnaissance pour mon engagement et mon aide au développement, Eric Zutter m'a décerné le titre de Directeur en me chargeant d'optimiser l'aspect financier de ses affaires. Je suis resté actif chez lui jusqu'à la fin de 1993, quand j'ai définitivement rangé mon bureau.

Ayant dès lors plus de temps à disposition, je me suis engagé dans des activités de bénévolat au sein de la Croix-Rouge ; étant membre du comité de la section du Locle, et faisant suite à la demande de sa présidente, j'ai repris en intégralité la gestion du service des transports jusqu'à la fusion des sections du Locle et de La Chaux-de-Fonds. Au début, je ne pensais que donner un coup de main pour la bonne marche du service ; petit-à-petit, cette activité s'est considérablement développée, elle était devenue de plus en plus compliquée et contraignante. Après 20 ans de bons et loyaux services, j'ai profité du regroupement cantonal des 7 sections neuchâteloises pour tirer ma révérence.

Depuis 5 ans, je ne fais plus rien et je vis actuellement la 27ème année comme rentier de l'AVS. Ceci m'a permis d'observer attentivement l'organisation de la vie de notre descendance. A ma satisfaction, je peux affirmer que nos 3 fils ont géré et gèrent toujours très bien et avec beaucoup de succès leurs vies familiales et à l'époque professionnelles.

Les chiffres ci-devant attestent qu'en cette année 2018, je suis marié depuis 68 ans avec Hélène qui a été une très bonne mère de famille.

Bien entendu, on pourrait m'interroger et me poser cette bonne question :

« Et toi, étais-tu toujours un bon mari et un père de famille attentif et prévoyant ? »

Je répondrais, comme ce fut le cas en 1954 lors de mon initiation chez les Francs-Maçons, à leur question : « Etiez-vous toujours un bon fils ? »

« Je me suis donné beaucoup de peine, souvent avec de la peine ! Mais pour avoir une réponse satisfaisante à cette question, demandez s'il vous plait aux personnes concernées ». (A l'époque j'indiquais le nom de mes parents, qui avaient 52 ans).

Alors je réitère mon affirmation et confirme que je faisais et fais encore bien des efforts pour mériter la classification :

« Bon, attentif et prévoyant »

Ma vie mouvementée mais intéressante, tire à sa fin ; mais avant de clore définitivement ce chapitre, je tiens à répéter que j'ai de la chance et de la satisfaction d'avoir encore une épouse, des fils et belles-filles attentionnés, des petits-enfants qui s'investissent avec beaucoup d'intérêt et zèle dans leurs activités privées et professionnelles et une arrière-petite-fille qui va certainement profiter du savoir-faire de ses parents.

Je termine mon exposé avec une certaine émotion mais je constate avec satisfaction que tous ces souvenirs restent et ne s'effacent pas.

Hermann Widmer, Le Locle, en juillet 2018.

Liens

Voici quelques articles paru dans les journaux:

  1. Histoire de bière et d'amour | ou version PDF
  2. Le Locle: décès d’Hermann Widmer, un humaniste dévoué à sa ville d’adoption | ou version PDF
  3. Fête magique pour 60000 fans des années 80 | ou version PDF